lundi 10 août 2009

Mort de ri(z)re

On dirait que je suis un peu dans ma période coup de gueule et posts qui paraîtront sûrement ennuyeux pour la plupart des lecteurs. Mais bon çà sert à ça aussi un blog non ?
Haïti est certes un des pays les plus pauvres du monde, en tout cas de la zone caribéenne mais aussi le pays le plus libéralisé, il y aurait-il un lien de cause à effet ??? A vous de juger et comme je travaille dans l’agriculture, quoi de mieux que de montrer les effets de la libéralisation sur le monde agricole haïtien.

En entrant dans l’OMC, Haïti a du respecter certaines règles. Parmi ces règles, la baisse des tarifs douaniers. Les tarifs douaniers sur le riz sont passés de 50% à 3% en 1995. Cependant, l’OMC a fixé des tarifs douaniers maximaux applicables, notamment pour les produits agricoles, un taux de 50%. Ainsi, Haïti ne serait pas en faute si elle décidait d’augmenter ses tarifs douaniers…
La baisse des tarifs douaniers a entrainé une importation massive de riz avec un taux de croissance de plus 2200% !!! Haïti est aujourd’hui le 4ème marché pour le riz américain. Cette tendance profite évidemment aux importateurs de riz et aux propriétaires des minoteries, qui peuvent ainsi financer des méga-chars pour le carnaval…
Le paradoxe est qu’avec les faibles tarifs douaniers et les subventions américaines, ce riz importé est moins cher que le riz local. Les subventions perçues par les riziculteurs américains en 2003 couvraient 72% des coûts de production. Afin de ne pas être accusée d’anti-américanisme primaire, je me permettrais de rappeler que les agriculteurs français qui touchent le plus de subventions sont bien les riziculteurs camarguais.
On pourrait s’attendre à ce que la baisse des tarifs douaniers ait aussi entraîné une baisse du prix du riz local. Que nenni ! les prix du riz local n’ont pas suivi la couvre descendante des prix internationaux et tout le bénéfice de la libéralisation agricole est resté aux mains des importateurs.
Les impacts sur la production nationale sont indiscutables : en 20 ans, la production rizicole nationale a baissé de 40%. Une étude d’OXFAM a montré que la vallée de l’Artibonite, grenier à riz du pays est aujourd’hui une des zones où la malnutrition est la plus importante (50% des enfants).
Mais alors que les gros bailleurs comme la BID finance des projets d’envergure pour réhabiliter les infrastructures d’irrigation, aucun d’eux n’a jamais suggéré au gouvernement d’augmenter les tarifs douaniers…

On pourrait raconter la même histoire sur le sucre, la filière porcine et avicole.

Jatropha Curcas toi même!

Non ce n'est pas la nouvelle insulte à la mode en Haïti, c'est une plante.

Les îles sont souvent un point chaud en termes de biodiversité et les paysages comme le Nord Ouest, aussi pauvre qu’il soit, peuvent révéler des futurs trésors. Le Jatropha curcas en est un exemple. On l’utilise souvent ici pour faire des haies vives ou des clôtures mais cette plante recèle bien d’autres ressources.

Cette plante serait originaire d’Amérique Centrale et aurait été introduite dans les Caraïbes avec les Indiens. Cette plante produit des fruits le plus souvent toxique mais dont on peut extraire une huile comme le ricin.

Cette huile peut être utilisée pour faire des savons, des lampes, alimenter des delco. L’huile peut même être transformée en bio-diesel.

Loin de moi l’idée de relancer le débat sur les bio-carburants et la compétition pour l’espace avec les cultures vivrières surtout dans un pays comme Haïti.

Cependant, il existe des terres assez marginalisées qui pourraient être plantées avec du jatropha dans le but de faire du développement local, sans entrer en compétition avec des cultures vivrières. La question de bio-diesel ne me semble pas d’actualité en Haïti mais la production d’huile de jatropha ou de benzolive (utilisation possible en alimentation humaine) en assurant un marché local ou un peu plus vaste permettrait de développer des zones dans le Nord Ouest qui ne peuvent compter sur la pluie ou l’irrigation. L’association avec le Benzolive (fixateur d’azote) pourrait même être bénéfique dans des perspectives de reboisement et maintien des sols.

On peut même tirer un colorant de la sève. Les graines sont utilisées comme contraceptif au Soudan !..

Sans compter qu’il serait possible qu’une ou plusieurs variétés locales de jatropha issues du Nord Ouest ne soient pas toxiques. Cette caractéristique semble aussi présente dans la pointe Sud Ouest. On pourrait alors les utiliser pour l’alimentation animale. Tout ceci doit encore être prouvé de manière plus scientifique que les quelques tests sur des poules pays.

Cette particularité est intéressante pour comprendre comment cette caractéristique aurait été héritée. Pour l’instant, la seule variété non toxique connue se trouve au Mexique où les populations consomment les graines de différentes façons (état de Véracruz). Cela pourrait être mis en relation avec le fait que les extrémités ouest d’Haïti aient été colonisées par des Indiens autres que les Taïnos, indiens qui pourraient venir d’Amérique centrale et non d’Amérique du Sud comme les Taïnos.

Dans le même registre, Haïti est le seul pays où l’on trouve des variétés d’haricots mixtes entre celle existant en Amérique Centrale et en Amérique du Sud.

Voilà, je ne veux pas polémiquer, je trouve juste la démarche de Gael Pressoir et de son centre Chibas, extrêmement intéressante dans un pays comme Haïti. Un exemple d’Haïtien formé à l’étranger et qui est revenu au pays pour aider le pays dans sa globalité et pas forcément créer un business lucratif qui ne profitera qu’à un petit nombre.

Si vous voulez en savoir plus :

www.gafe-haiti.org, groupe d’action francophone pour l’environnement qui travaille sur un projet Jatropha à Kenscoff

www.chibas-bioenergy.org



quelques une des petites bébêtes qui font du mal au Jatropha