mardi 25 mai 2010

sur les ondes et dans la presse

Pour ceux qui n'ont pas écouté l'émission matinale de France Inter, l'émission est toujours disponible en archives. Elle a été réalisée à l'occasion du festival Etonnants Voyageurs qui devaient se tenir à PAP lors du séisme. Lyonel Trouillot et Dany Lafferière y sont interviewés.

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/septdix/index.php?id=91891

Sinon, allez sur le site de Libé, il y a un article intéressant sur le syndrôme de dépression collective de la population.
Et que dire de cet article sur le camp de la place St Pierre et de son comité de gestion, des hommes qui vont voir les prostituées pour "soigner le choc traumatique"!!!
http://www.liberation.fr/monde/0101637320-sous-les-tentes-la-vie-vaille-que-vaille

lundi 24 mai 2010

Au nom du père

Un séisme a secoué la société haïtienne il y a quelques mois, et il n’a rien à voir avec celui du 12 janvier. L’une des dernières lois votées par le parlement avant la déclaration de l’Etat d’urgence (qui implique donc plus de Parlement), est celle sur la paternité responsable. Le but de cette loi est de contraindre les parents à être responsable de leurs enfants, au final cela concerne surtout les pères. En gros, les enfants illégitimes auront enfin une reconnaissance et les mères pourront obtenir des compensations financières après que leur coup d’un soir ce soit barré. Quand on sait qu’environ 65% des enfants naissent hors mariages dont la majorité de relation adultérine, on peut penser que cette loi aura des conséquences importantes sur la société haïtienne. Ici la fidélité est un concept assez flou, surtout si l’un des époux vit aux USA ou au Canada. Malheureusement, les femmes voient dans le fait d’avoir un enfant, le seul moyen de garder un homme.

Et puis même si elles ont été des pionnières (ou plutôt des cobayes) dans le test de la pilule contraceptive, aujourd’hui les moyens de contraceptions sont limités. En ce sens, la vague religieuse n’aide pas beaucoup : abstinence avant le mariage, discours sur le fait qu’on ne doit pas gaspiller la précieuse semence…

Reste le problème de la reconnaissance de l’enfant par son père. Va-t-on voir une vague de test ADN rapide et pas cher déferler ?

dimanche 2 mai 2010

ER

J’ai passé un après-midi assez médical. En allant rendre visite aux infirmières US et néerlandaise basées pour quelques mois ici, j’ai fait la connaissance des deux enfants dont elle s’occupe. La première est Luciana dans un état de déshydratation comme j’ai rarement. Elle respire difficilement, sa saturation s’effondre parfois et son cœur bat à un rythme impressionnant. Elle est probablement comme cela depuis quelques temps mais sa mère vient d’accoucher alors elle ne peut pas quitter la maison (c’est la règle ici) et le père est souvent très imbibée. Elle est hydratée et médicamentée par sonde gastrique. L’autre s’appelle Ivner mais moi je l’appelle Ivner Button parce qu’il ressemble à Benjamin Button bébé. Il ressemble à un nourrisson de quelques semaine mais a déjà 3 mois, une peau toute fripée, très claire, et à la pelade. Il a yuen touffe de cheveu derrière comme s’il était indien. Sa mère très malade (qui avait été annoncée morte une semaine avant) vient d’être testée positive pour le SIDA et il y a de fortes chances que le petit bonhomme le soit aussi.

Mais le plus fort a été mon premier accouchement. La mère avait 44 ans et c’était sa 6ème grossesse. Elle habite en haut du bassin versant mais l’accouchement s’annonçant difficile, elle a été transportée ici. Elle disait avoir des contractions depuis 4h du matin soit 12 h avant son arrivée ici. Me voilà donc transformée en assistante, tenant la serviette prête à recevoir le bébé. On a sorti la ventouse car ici, les conditions d’hygiène ne permettent pas de faire de césariennes. J’ai commencé à m’inquiéter quand la mère a commencé à saigner. La tête a réussi à sortir mais les épaules coinçaient. On a même fait mettre la mère debout par terre en espérant que la gravité aiderait. Après de nombreux efforts, le bébé a été délivré et me voilà à soutenir la tête de cette petite chose pendant qu’on lui faisait un massage cardiaque et la respiration artificielle. Au bout de nombreuses minutes, nous avons dû nous rendre à l’évidence, la petite fille était morte-née. Quelques mots pour réconforter la mère, et à ce moment toute les amis et familles qui l’accompagnaient commencent à raconter leur problèmes médical pour qu’on les traite, sans même un répit ou du recueillement, sui d’une remontée acide, qui d’une infection urinaire. Et là il faut décrypter (créole puis français)

- le cœur qui brûle = remontée d’acide

- l’estomac = les poumons

- les poumons = le foie

Vous avez compris ? Et évidemment pour se soigner, il faut des médicaments ; il faudrait les voir recevoir les petites pilules comme des bonbons.

Dans ce genre de cas se pose ensuite le problème du corps. la mort fait peur ici et on craint par-dessus tout le retour des morts qui hantent les vivants s’ils ne sont pas satisfaits. Les funérailles se doivent donc d’être grandioses et pas question d’une cérémonie toute simple. Les funérailles sont un poste de dépenses aussi important que l’écolage et les familles s’endettent pour çà. Sauf que les familles très pauvres préfèrent éviter ces dépenses et laissent le corps sur place (les morts sont en général ramenés à leur lieu de naissance même s’il est mort à des centaines de kilomètres. Le père qui avait dit vouloir partir avec le corps a finalement changé d’avis. Nous nous retrouvons avec le corps. Je passerais les détails sur quel est le meilleur moyen de se débarrasser d’un cadavre.

Alors bien sûr c’est une histoire triste mais au final avec déjà cinq bouches à nourrir, quel avenir aurait eu cette petite fille ?